🪞 Le Miroir des Profondeurs
Résumé : Tu ne regarderas plus jamais ton reflet de la même façon.
I. Ce que le verre oublie
La plupart des gens pensent que les miroirs sont inoffensifs. Des outils anodins, utiles, esthétiques. Mais personne ne pense à ce qu’ils reflètent vraiment.
Pas la lumière. Pas les visages. Pas le monde. Mais l’ombre du monde. Ce qui se cache juste derrière, tapi entre les angles morts de la perception humaine.
Mathilde, 24 ans, vivait seule dans un petit studio au centre-ville, hérité de sa grand-tante décédée dans des circonstances troubles. L’appartement avait un charme vieillot, presque figé dans une autre époque. Parmi les meubles anciens, tapis élimés et portraits fanés, se trouvait un miroir mural immense, encadré de bois noirci et décoré de gravures méconnaissables.
Dès qu’elle emménagea, Mathilde se sentit observée.
Au début, elle mit ça sur le compte du stress. Un nouvel appartement, une vieille bâtisse, des grincements de plancher. Rien d’anormal. Mais ce sentiment ne la quittait pas. Il s’intensifiait chaque fois qu’elle passait devant le miroir.
Ce n’était pas elle qu’elle voyait. Pas tout à fait. Son reflet semblait... décalé. Ses expressions s’attardaient une demi-seconde trop longtemps. Parfois, son double dans le miroir ne clignait pas des yeux. Et certaines nuits, alors qu’elle passait devant sans y prêter attention, elle jurait que l’image ne la suivait pas du tout.
II. Un reflet autonome
Un soir de novembre, le malaise devint insupportable. Mathilde décida de recouvrir le miroir avec un drap. Le soulagement fut instantané. L’appartement sembla respirer à nouveau. Elle dormit mieux, plus profondément.
Mais au matin, le drap avait glissé.
Pas tombé. Glissé. Comme s’il avait été tiré lentement, avec une délicatesse délibérée. Le miroir l’accueillait à nouveau, brillant faiblement malgré l’absence de lumière directe.
Ce fut le début des anomalies.
Des objets apparaissaient brièvement dans le reflet, mais pas dans la pièce : un fauteuil ancien qui n’avait jamais été là . Un chandelier éteint. Une porte... qu’elle ne connaissait pas. Elle essaya de les ignorer, pensant qu’elle perdait la tête.
Jusqu’au jour où elle se vit dormir.
Une vision figée. Dans le miroir, c’était toujours la nuit. Mathilde y voyait son propre corps, allongé dans son lit, paisible. Mais autour d’elle, dans le reflet, la pièce était changée. Plus sombre. Les murs étaient déformés, comme rongés par une moisissure invisible. Et au fond du miroir, quelque chose bougeait. Lentement. Vers elle.
III. Le passage
Une nuit, poussée par une fascination mêlée de terreur, Mathilde s’assit devant le miroir, seule, dans le silence complet. Elle voulait comprendre. Confronter. Rompre ce lien étrange. Son regard plongea dans celui de son double. Elle resta là , immobile, pendant des heures.
Puis, l’image... sourit.
Elle ne bougea pas. Son vrai visage resta neutre. Mais dans le miroir, son reflet venait de sourire. Lentement. Presque affectueusement. Et alors, pour la première fois, il leva la main. Non pas en mimétisme. En action propre. Il tendit la main vers la vitre, effleurant sa surface depuis l’intérieur.
La surface du miroir ondula.
Pas un simple jeu de lumière. Pas un effet d’optique. Le verre se mit à vibrer, à couler comme un liquide noir. Le reflet s’évapora, laissant place à un tunnel obscur, sans fond, une faille dans la réalité.
Une voix muette se fit entendre dans l'esprit de Mathilde. Elle ne comprenait pas les mots, mais elle en ressentait l’appel : un mélange de promesses oubliées, de regrets d’un autre temps, de vérités interdites.
Elle ne résista pas.
Elle toucha le verre.
IV. L'autre côté
L’air était différent. Densifié. Froid, mais pas par la température. C’était un froid mental. Les murs de l’autre pièce semblaient identiques à son appartement, mais tordus, étirés. Comme si l’univers entier avait été déformé.
Et là , dans l’ombre, le miroir observait. D’un œil vide. D’un œil qui attendait.
Mathilde n’a jamais vu la sortie. Et si vous y entrez, vous non plus ne la verrez pas.
Ne fais jamais confiance Ă ton reflet.
Il ne fait que t’imiter…
jusqu’au jour où il décidera de prendre ta place.